Introduction au texte de la chanson "Le Männerchor de Steffisbourg"
Tiré du recueil "Amicalement Vôtre" de Gilles, paru aux Éditions Pierre-Marcel Favre à Lausanne en 1978

Hélas, Mesdames, le phallocrate est toujours debout, vigilant, majoritaire. Conseil Fédéral, Etat-Major, Consistoire, il oppose à la féminitude le mur de son torse musclé. Il a ses clans, ses clubs, ses "stamms".

Le voilà, les jours de fête, en groupe serré autour de son chef, pilier barytonnant, ténorisant, dans un de ces ensembles vocaux qui sont la gloire de notre folklore musical. Affirmation incontestable de la supériorité du mâle, car si le ténor jodelisant parvient à rejoindre sur ses hauteurs un soprano, quelle voix de contralto descendra jamais jusqu'aux profondeurs caverneuses d'une basse chantante ?

 

LE MÄNNERCHOR DE STEFFISBOURG

Le Männerchor de Steffisbourg
Faut voir comm' il chante!
Les bass's font un bruit de tambour
Et tout trembl' alentour.
Herr Doktor Gloor
Est l' direktor
De c' fameux Mânnerchor.
Il donn' le ton
Et son bâton
Fait sign' aux barytons.

Le Männerchor de Steffisbourg
C'est des vrais artistes.
Ils ont, pour célébrer l'amour,
Des voix de troubadours.
L' Gusti Zumthor,
Premier ténor,
C'est l'as du Männerchor.
Dans les bémols
Il prend son vol,
Comme un vrai rossignol.

Le Männerchor de Steffisbourg
Chante avec ivresse
Quand il célèbre le retour
Am Frühling, des beaux jours.
Les Vögeli,
les Spätzeli,
et même les Wienerli,
les Maiteli,
les Vreneli,
Qu'on s'rait bien dans leurs lits!

Le Mannerchor de Steffisbourg
Chante la patrie,
Dans les fêt's, après les discours,
Ils gueul'nt tous comm' des sourds.
Des Vaterland!
Des Heimatland!
Unterland! Oberland!
Et tout à coup
Ça d'vient si doux
Qu'on entend rien du tout.

Le Männerchor de Steffisbourg,
Après ses victoires,
Il prend le chemin du retour
Et rentre à Steffisbourg.
Et dans le train,
Ah! Quel entrain!
On chant' de gais refrains.
Ah! Quel plaisir!
Tout l' mond' transpir'!...
On boit des grands glass' Bier…

Le Männerchor de Steffisbourg
Enfin se sépare…
On a bu trop de Neuenbourg,
On a l'estomac lourd.
Dans le lit blanc,
Le cœur battant,
Madam', heureus', attend.
Mais quell' dérout'!
L'oiseau Kapout
A trop chanté sans dout'!

Le Männerchor de Steffisbourg
Accablé de gloire,
S'endort et ronfl' comm' un tambour,
Et tant pis pour l'amour.
Frau Schlaeppi, Frau Schmidt, Frau Barfuss,
Schlafen sie wohl! Träumen sie süss…

Comano, 1942
© Fondation Jean Villard-Gilles